Café écologique : le café d’ombre

Difficile d’apprécier son café lorsque l’on sait qu’il ravage notre environnement.

La culture moderne du café est un des contributeurs majeurs et grandissants à la déforestation dans le monde. Elle détruit des écosystèmes riches en faune et flore pleines de potentiel, contribue à la détérioration de notre climat et pourrait même mener à la perte du café lui-même. Les technologies dites modernes sont trop souvent plus primitives que la nature elle-même, sacrifiant le futur pour les intérêts présents. Mais sous sa forme traditionnelle, la culture du café prospère en harmonie avec l’environnement, l’enrichissant. Le nom du café qui en est issu : « le café d’ombre ». Étudions ensemble le problème actuel et l’impact positif que la restauration de ce café écologique pourrait avoir.

HISTOIRE DE LA DÉVASTATION DU CAFÉ.

Le arbres ont été sacrifiés pour augmenter le rendement des cultures de café. Afin de répondre à la demande grandissante en café, une nouvelle variété plus résistante au soleil a été développée dans des laboratoires, puis mise en culture dans les années 70. Ce type de culture ne nécessitant plus la protection des arbres contre le soleil, une déforestation s’en est ensuit.

Malheureusement, le problème ne s’arrête pas là, car au-delà de la déforestation volontaire, c’est un cercle vicieux de dévastation qui est mis en place.

Cette méthode moderne de culture engendre l’infertilité des terres cultivées du fait qu’elle repose fortement sur l’emploi d’engrais chimiques et de pesticides. Des vagues de déforestation deviennent alors nécessaires pour retrouver des terres cultivables.

De plus, le café ne supporte pas les températures trop élevées, et souffre donc du réchauffement de la planète. Un comble lorsque l’on sait que la déforestation contribue à 20% de la dégradation du climat¹. Ainsi, il est projeté que la surface de culture du café puisse être réduite jusqu’à 50% d’ici 2050². Ces cultures vont progressivement devoir être développées dans des zones de plus hautes altitudes ou se trouvent des forêts ayant beaucoup de valeur.

La dévastation se poursuit également au travers de la destruction des habitats de la faune et de la flore qu’abritent les forêts. Cette faune et cette flore qui elles aussi participent au maintien de la fertilité des terres et plus largement à l’équilibre d’un écosystème complexe.

Pour les amateurs de café c’est une tragédie car, parmi la flore menacée d’extinction réside le café lui-même. Une étude a estimé que 60% des différentes espèces de café sont à haut risque d’extinction d’ici 2050³. La même recherche déclare avoir découvert une espèce particulièrement savoureuse de café que l’on pensait éteinte depuis 1954, le Coffea Stenophylla ou café des hautes terres de Sierra Leone, dans une forêt menacée de déforestation.

Cette situation risque malheureusement de se maintenir et de s’aggraver de manière exponentielle. En effet, d’après une étude publiée en 2014, la proportion de café d’ombre a reculé de près de 20% depuis 1996⁴.

Mais concrètement, quelle est donc cette culture traditionnelle de café d’ombre et en quoi pourrait-elle remédier au problème ?

QU’EST CE QUE LE CAFÉ D’OMBRE ?

La culture du café d’ombre se fait sous une canopée pour la protéger du soleil afin qu’il puisse se développer de manière optimale, naturellement. D’une part, puisqu’elle repose sur l’exploitation d’un écosystème, elle est considérée comme une forme de permaculture. D’autre part, elle est considérée comme une forme d’agroforesterie car elle incorpore l’utilisation d’arbres dans son fonctionnement.

Il existe différents types de culture de café d’ombre qui requièrent plus ou moins d’intervention sur la couche supérieure des forêts. Mais quoi qu’il en soit, elles nécessitent toutes une importante présence de canopée.

Seules les modifications de la couche inférieure de la forêt sont indispensables pour faire place au café écologique. La forme la plus naturelle, souvent employée en Inde, ne consiste qu’en un simple remplacement de la couche inférieure de forêt existante, laissant la partie supérieure intacte.

PUITS DE CARBONE

C’est grâce au maintien de la canopée que ce type de culture est efficace en tant que puits de carbone.

Comme pour les forêts vierges, les arbres d’ombrages retiennent le carbone dans leur tronc, branches et feuilles ainsi que leurs racines. Tout ce qui est retenu dans les arbres n’est pas relâché dans l’atmosphère.

La capacité de ce type d’agriculture en tant que puits de carbone a été démontré par des études. Au Mexique, les cultures traditionnelles ont collecté des masses de CO2 similaires à de vrais forêts avoisinantes et supérieures à tous les autres types de cultures. En Indonésie, le système de culture de café d’ombre produit l’équivalent de 60% de la production totale de stock de carbone des forêts naturelles et 58% de plus que le système de culture moderne du café⁵. Au Nicaragua, 18% de plus de carbone ont été mesuré dans les sols de café écologique en comparaison à ceux de la culture moderne du café⁶.

Si l’on retient les chiffres d’une étude de 2005, même des systèmes reposants sur de l’ombrage limité permettent 53 tonnes de carbone séquestré par hectare de plus que les systèmes sans ombrage⁷. La conversion de 10% de 3,1 million d’hectares de systèmes de culture moderne du café en café d’ombre pourrait donc amener à une addition bien au-delà de 1,6 milliard de tonnes de carbone stocké au-dessus du niveau du sol⁴.

QUALITÉ DU SOL

La présence de carbone dans le sol n’atteste pas seulement de la capacité d’une culture à lutter contre le réchauffement de la planète. C’est aussi un moyen d’évaluer la fertilité du sol, un autre avantage de la culture de café d’ombre.

La canopée contribue significativement à la santé du sol en lui fournissant de la matière organique et des nutriments par la chute de ses feuilles. Les litières de feuilles de la canopée agissent comme un fertiliseur naturel. Aussi, lorsque la canopée est constitué de légumineuses, ces dernières fixent le nitrogène de l’air et sa redistribution subséquente dans le sol, augmentant davantage sa fertilité.

Les arbres ne protègent pas seulement le café du soleil mais également le sol avec les feuilles qui tombent et aident à conserver l’humidité du sol. L’humidité du sol de la culture moderne du café peut être 42% plus faible comparé aux cultures de café écologique qui bénéficient du feuillage dense de leur canopée⁶.

Les taux d’infiltrations (importants pour l’humidité du sol et la croissance des plantes) dans les systèmes de culture moderne du café au Nicaragua ont baissé de près de 75% sur 6 à 10 ans⁶.

Les arbres d’ombres ne participent pas seulement à la santé du sol en augmentant sa fertilité mais également en réduisant son érosion.Au Venezuela, les cultures modernes du café souffrent de deux fois plus d’érosion du sol que celles de café d’ombre.

D’autre part, de nombreuses mauvaises herbes peuvent être éliminées du moment que le taux de couverture de canopée est supérieur à 40%, ce qui permet d’éliminer ou au moins réduire le besoin en herbicides⁸.

La présence élevée d’oiseaux qui se nourrissent d’insectes dans ce type de culture permet également de limiter le besoin en insecticides. La présence de ces anges gardiens du café écologique est possible car la culture traditionnelle permet de préserver leurs habitats naturels. La culture du café d’ombre est moins vulnérable aux variances de températures. Les arbres d’ombrages protègent des variances journalière de température. Ils protègent également de la hausse de température dut au réchauffement de la planète et du gel pendant les période de froid.

PRÉSERVATION DES HABITATS NATURELS

Le café d’ombre reposant sur une forme de permaculture, sa capacité à préserver les habitats de la faune et de la flore est impressionnante. En effet, le système sur lequel il repose permet d’atteindre ce qui pourrait être la plus haute diversité de la faune et de la flore parmi tous les types d’agricultures. Penser que la technologie de l’homme peut l’amener à se passer de la sophistication de la nature et de ses écosystèmes serait une grave erreur. L’homme a tendance à poursuivre ses intérêts sur le court terme alors que la nature, elle, les a sur le long terme.

La culture de café d’ombre pourrait, dans sa forme la plus naturelle, détenir jusqu’à 120 espèces de plantes et 58 espèces d’arbres par site. Et n’oublions pas le premier intéressé, l’habitat du café lui-même. Car la culture moderne du café ne pourra survivre dans son environnement actuel d’ici quelques dizaines d’années.

La diversité de faune est dû à la présence de plantes qui produisent des fruits utiles pour les oiseaux, ainsi que des fleurs qui attirent les insectes dont ils se nourrissent. Dans une étude effectuée au Guatemala, l’abondance et la diversité d’oiseaux étaient, respectivement, 30% et 15% plus élevées dans les cultures traditionnelles que dans les cultures modernes⁹. Les agroforêts enrichies en fruit avait 50% de plus d’espèces d’oiseaux, 55% de plus de quantité d’oiseaux et 89% de plus d’insectivores de sous-bois comparées aux agroforêts non enrichies en fruits¹⁰.

Parmi les insectes que la diversité florale attire, tous ne sont pas destinés à nourrir les oiseaux. Les abeilles, rarement les victimes de ces derniers, sont attirées par le nectar et le pollen dont regorgent les différentes fleurs. Cette similarité entre les cultures traditionnelles et les forêts naturelles permet les migrations d’abeilles entre ces deux écosystèmes ce qui amène à une plus grande diversité d’abeilles.

Il a également été démontré que dans les cultures de café écologique, les abeilles prolifèrent davantage. C’est une véritable aubaine vu leur disparition progressive à cause du réchauffement de la planète.

QUALITÉ DU CAFÉ ÉCOLOGIQUE

La quantité et la diversité des abeilles sont des facteurs importants pour la pollinisation de la flore et donc également du café. Il a été mis en évidence que la quantité et la diversité des abeilles dans les cultures corrèlent avec la quantité et taille des fruits produits par les caféiers. Cela souligne un autre avantage du café d’ombre, pas seulement environnemental mais également qualitatif.

Mais la pollinisation n’est pas le seul facteur à contribuer à la qualité. L’ombre protège les jeunes plants de café de la sècheresse et la surexposition au soleil qui cause le jaunissement et la mort des feuilles. Elle permet également un meilleur équilibre entre le fleurissement et la croissance qui permet la production de meilleures baies¹¹.

Aussi, comme nous l’avons vu plus tôt, la culture du café d’ombre permet de se passer des divers produits chimiques utilisés dans la culture moderne. Ce sont des substances qui ne se retrouveront donc pas dans nos tasses.

Le café d’ombre réunit donc les conditions idéales pour produire la meilleure qualité de café écologique. C’est un élément clef pour permettre aux productions les plus modestes de faire la différence face aux productions de masse.

ALLIÉ DES PETITS PRODUCTEURS

Les petits producteurs étants responsables de 80% de la production mondiale¹², il est indispensable de considérer leur situation.  

Comme nous l’avons vu précédemment, au travers d’effet direct sur la terre et indirect sur l’environnement, la culture moderne du café mène à la détérioration puis la perte des sols cultivés. Sans moyens financiers significatifs, il est difficile de faire face aux dégâts et pertes de terres.

La culture du café d’ombre ne nécessite pas les investissements conséquents que représentent les pesticides, les fertiliseurs chimique et les herbicides.

Également, suivant le type de système de culture de café d’ombre, diffèrent revenus peuvent être réalisés en parallèle suivant les types d’arbres utilisés pour faire de l’ombre au café écologique. Les arbres utilisés pour faire de l’ombre, tels que l’arbre impérial et le lilas de Perse peuvent permettre de générer des revenus à long terme en revendant leurs bois. Dans le cadre de la culture intercalaire, des arbres fruitiers tels que les avocatiers, orangers, mandariniers, macadamias et noyers peuvent produire de l’ombrage. La vente de leur fruits permet d’avoir des revenus supplémentaires toute l’année. Au Pérou et au Guatemala, la vente de ces fruits représente en moyenne 9 à 11% du chiffre d’affaires des agriculteurs qui emploient ce système¹³. D’autres sources de revenus qui méritent d’être mentionnées sont les plantes médicinales et l’écotourisme.

Si vous souhaitez contribuer directement au développement de ces cultures, le plus simple semble être de consommer ce qu’elles produisent. S’il n’est pas toujours simple d’identifier ces produits dans nos marchés, fort heureusement, une association en a fait sa mission.

CERTIFICATION DU CAFÉ ÉCOLOGIQUE

Le Smithsonian Migratory Bird Center (SMBC), une association spécialisée dans la protection des oiseaux migrateurs, a mise en place un programme de certification¹⁴ pour le café d’ombre. Cette certification garantie, entre autre, un taux d’ombrage d’au moins 40%.

Ainsi nous pourront donc contribuer positivement et sans concession à l’environnement, même pendant la pause café.

Références :